LA PASSION SELON
Myung-Joo Kim
En résidence à l’école d’art du Beauvaisis, Myung Joo-Kim expose le fruit de ces cinq mois de travail dans une chapelle à Beauvais.
'Si nu sur cette terre', 'Je l’ai quitté paissant l’herbe', 'Il étonnera la mort' sont quelques-unes de ces grandes sculptures, certaines à taille humaine, s’inscrivant dans l’expression du mystère de la vie et de l’existence qui anime la céramiste depuis toujours.
Née en Corée en 1973, formée aux techniques de la céramique aux beaux arts de Hong-ik à Seoul, elle y est encouragée à trouver son univers propre. C’est ainsi qu’en 2010 dans un tout petite atelier parisien où elle modèle pendant plusieurs années des figurines insolites, synthèse des cultures européenne et asiatique. Une étape importante vers le fantastique onirique où son imaginaire se construit. En 2014, elle entreprend un master à l'école supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles, au cours duquel une mutation se produit vers l’artiste qu’elle est aujourd’hui, en pleine possession de ses moyens.
Elle consacre ses recherches plastiques à l’expression du mystère de l’âme et de nos existences, de l’errance mentale, de la vulnérabilité du vivant et de la condition humaine. L’âme, chacun l’éprouve, mais personne ne sait ce que c’est. Saisir ce qui ne se conçoit pas, montrer l’indicible. C’est sur ce territoire là, mouvant comme les songes, que Myung-Joo Kim s’avance et s’aventure, en donnant une forme matérielle mais fuyante, fondante, à ce qui n’en a pas. Esquisses de corps plutôt que corps, fusion des formes accompagnées de celle de l’émail… Pour la céramiste, il ne s’agit ni de peindre ni de
sculpter cette entité inimaginable, mystique, insaisissable, mais seulement d’en révéler l’existence etles métamorphoses.
Ces œuvres tout en émotions maîtrisées ont demandé parfois plus de dix cuissons. De vagues figures humaines surgissent de l’argile, l’une d’elles a plusieurs jambes, ne sachant où les poser. L’émail est comme un lavis de rose, de rouge, dans le blanc intense. Pour cette exposition Myung-Joo s’est inspirée d’un texte d’Henri Ghéhon, Miroir de joie. extrait d’un oratorio d’André Caplet (1924). Il y est question de lumière, de douceur et de compassion, de pureté, de fleurs de lys et de pleurs. La crypte où elle présente ses sculptures semble avoir été faite pour que s’y déploie cet univers céramiquesi si singulier.
La Revue de la Céramique et du Verre (sep-oct, 2022) N°246
Carole Andréani